NO ONE IS INNOCENT Utopia (Island)
Les quatorze poésies usinées en anglais et en français par le commando mécanique et
destructeur de No one is Innocent pourraient tout aussi bien être récitées en
esperanto. Pour bien les décrypter et pénétrer le paradoxe d'un album qui se baptise
Utopie mais décline quatorze bonnes raisons de ne pas se reproduire, la lecture du livret
s'impose. Auschwitz, Nagasaki, Sarajevo et Santiago tous
coupables! Et l'amour dans tout ça? Two people in a cage règle son compte au mignard Two
people in a room d'Eicher. No One is Innocent incarcère les deux niaiseux et leur
chambrette dans le cachot du pire et jette la clé dans le puits insondable de la
neurasthénie matrimoniale. On aurait tort de se laisser piéger par les tons azuréens de
ce disque, c'est la tête coincée dans un étau et les mains entravées qu'on subit
l'écoute intégrale de cette machine enragée (toute référence à un autre groupe qui
fait marcher les bufs par deux est implicite). On nous promet un lendemain qui
chante et on se réveille la goule dans le sac et la bouche pleine de paille. Parlez d'une
utopie! Comment ça va mal aujourd'hui ? Toujours aussi pas bien.
René Guyomarc'h
(Les Inrockuptibles)